La peau des autres·Voyages

De l’eau sous la peau

Au bout des doigts, les mots brûlent. Dans le ventre, des fragments de petits cris crissent, ne se digèrent pas, attendent des paroles rassurantes comme l’horizon.

J’ai une peau qui attend.

Le courant du fleuve l’a caressée, une caresse d’eau fraîche, vivante. Mes mains ont saisi les roches, mon corps a gagné en vitesse, le courant l’a guidé. La mousse empêchait mes pieds de marcher, elle était glissante, douce, j’ai pensé au corps que je rêvais de parcourir – un corps de précipice où grimper, où tomber, où le vertige envahit les sens à chaque toucher. Mes seins respiraient, nus – tout était là pour m’emporter. Je souhaitais me fondre dans les montagnes, vivre à l’horizontal, ne boire plus que cette eau, devenir végétale. Je n’avais plus faim, plus soif, je ne sentais ni le froid ni le nœud de mes os. Je voulais rester là.

Il a fallu partir avant que le monde ne m’avale. Revenir à ce qui n’engouffre pas – la verticalité des corps, le rendez-vous avec les heures, les paroles de trop. Rejoindre un quotidien où ma solitude (celle qui abîme) se renforce, où mes dents se compressent les unes contre les autres.

Je suis rentrée en stop et mes lèvres n’ont pas voulu prononcer une destination inconnue. Il était trop tard. Mon corps commençait déjà à sécher, des vêtements le cachaient, je n’étais plus à moi.

Un peu de fleuve est resté dans mes veines.

Désormais, le moteur des voitures casse le chant des oiseaux.

Les amis rient au loin, je ne suis plus seule, je pense aux absents – des pensées interdites, revenantes.

Je pense aux absentes, elles ne me manquent pas, elles sont déjà en moi.

J’aimerais que chaque personne habitant mon corps ne me déserte pas, qu’elle soit comme une eau claire oxygénant mon sang.

J’ai une peau en attente.

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