La peau des autres

Te retrouver

Tu es cachée juste en bas, pas très loin, il suffit d’un peu de patience sucrée collée aux lèvres et de souffles lents dans le cœur pour te retrouver. Tout en bas de la colline, entre les hautes herbes. Des herbes aussi hautes, brillantes et rugueuses que ton existence – j’aimerais en cueillir délicatement une, la placer entre les pouces et les indexs de chacune de mes mains, la tendre prudemment sans qu’elle ne se déchire, la déposer à la commisure de mes lèvres. Mes joues gonflées, je soufflerais, émue, entre l’interstice d’air. Des chansons d’amour y naitraient. Des histoires simples, intenses, comme on aime en lire lors des dimanches lents et étendus, allongée sur le ventre d’un matelas trop grand, la main contre la joue, le corps happé par ce qu’il n’a jamais vécu.

Tu seras assise, je crois, en tailleur comme une petite indienne à la recherche de plumes rouges et bleues tombées de ta coiffe. Tes mains tâteraient la terre comme une enfant tâte le sol avec la certitude mystérieuse qu’elle parviendra à se lever, cette fois.

Je te regarderais, je ne t’aiderais pas, j’attendrais de voir tes sourires plisser tes fossettes et ouvrir ton regard, et tu seras heureuse d’avoir trouvé ce qu’il manquait à ta joie. Je m’accroupirais pour être à ta hauteur, le cœur essoufflé d’avoir couru depuis le début de mes jours. Je te regarderais, longtemps, très longtemps, jusqu’à ce que la nuit m’empêche de te voir.

Je mettrais du temps, beaucoup de temps, à te toucher. Parce que ta peau existe. Parce que nos mondes enflent de désirs. Parce qu’il faudra risquer de vivre.

Les premiers contacts sont des éclairs irrigant les veines d’une jouissance à venir. Par le choc qu’ils provoquent, ils pourraient suffire – mais il y manquerait les feux embrasant les arbres et les pluies adoucissant les cris.

Juste après, on trouve un peu de vide et beaucoup d’amour sous le regard attendri du soleil – il ne dit jamais rien mais il nous adresse des sourires complices, dignes des plus grandes amitiés.

Après, on parvient à s’éloigner l’une de l’autre lorsque les lumières blanches basculent notre éternité dans un monde en noir et blanc – avons-nous vécu ce qu’il reste dans nos mémoires ?

Nos peaux sont encore chaudes.

Des traces marquent la présence d’une lutte douce sur les poussières des hautes herbes.

Je suis seule, accroupie sous la lune pleine.

C’est comme si la mer rencontrait les collines, comme si le goût de l’herbe provenait du sel.

Dans mes cheveux, du sable mêlé à la terre.

Un parfum de tendresse.

Et tenant toute seule,

entre mes boucles brunes et les amours rêvées,

une plume bleue,

bien accrochée.

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