Les silences

Le rire des enfants

Texte écrit dans le cadre d’un travail sur le silence à la résidence d’artistes de Bourbonne-les-Bains. Mon but était d’interroger les silences des habitant.es du village.

Ils ne savent pas ce qu’ils aimeraient crier à la terre entière. Ils préfèrent confier des secrets, n’importe quel secret. Ils les expriment à voix basse, loin des grandes déclarations. Ils pensent ne rien avoir à dire.

Ce sont encore des enfants, un garçon et une fille de douze ans. Ils discutent ensemble, assis sur un banc. Leur visage est toujours sous le point de sourire. Quand je leur demande ce qu’est le silence, leurs yeux cherchent une réponse en dehors des miens. Ils réfléchissent. Subitement, la jeune fille annonce : « Le silence, c’est la tristesse. C’est l’ennui ». Le garçon hoche la tête, ajoute : « Oui c’est l’ennui, mais je ne suis pas d’accord pour la tristesse. Mais l’ennui, oui ». Il sourit, elle aussi. Une joie douce et lumineuse émane d’eux. Ils semblent si éloignés de la pluie et des larmes. Je les laisse là, côte à côte, sur le banc. Réunis. Ensemble. Leur jeunesse, leur gaité, leur complicité me touchent. C’est un moment simple, et pourtant marquant.

Les jours suivants, je les retrouve par hasard Place des bains ou sur le trottoir de la Grande rue. Lorsqu’on rencontre un visage, il prend place dans notre mémoire, s’inscrit dans le paysage.

Ils ont une glace à la main, c’est les vacances. Ils sont avec d’autres amies, s’amusent, partagent des instants. L’une d’entre elle, plus jeune, habite à Bourbonne depuis qu’elle est née.

Quel est son silence ?

Elle pense que sa réponse ne sera pas intéressante. Je l’encourage.

« Le silence, c’est quand on n’ose pas parler. Quand on est seule. 

– Et qu’aimerais-tu crier à la terre entière ?

– Qu’on est tous égaux ! »

Ses mots sont sortis de son cœur subitement, comme la lave d’un volcan. Des mots jaunes et ardents, vifs et brûlants. Le groupe d’amis continuent de sourire. Leur présence est forte et légère à la fois. Je pense qu’ils sont heureux d’être là. Demain, ils joueront dans l’eau de la fontaine. Leurs rires éclabousseront le silence.

La vie est en eux, grandissante.

Laisser un commentaire