Notes personnelles

En chantier

1. Un de mes élèves de 6e est porté par un ami vers son lit, le contact de leur peau est chaud, réconfortant, je sens cet amour dans la nuit. Au petit jour, je me réveille en me demandant si j’étais bien l’enfant. J’ai bientôt vingt-sept ans.

2. Si j’écris et que je pleure, avant ou après la venue des mots, c’est que ce ne sera pas si mal, ça ne sortira pas de nulle part, le texte publié est ce qu’il restera d’une émotion écornée – on ne voyait qu’une de ses faces, sa face cachée.

3. J’ai envie de vous décevoir. Ce que j’écris ne vient pas de moi. Depuis le début, je vous mens. Je vous assure. Vous voyez bien que je suis différente de celle que vous lisez. Voilà, ça me soulage de vous l’avouer.

4. Un accordéon. Quel bel instrument pour décrire l’étendue des émotions, leurs vibrations, leur enserrement – je suis les mains maladroites qui jouent trop rapidement.

5. Aux périodes d’excitation, tout s’illumine – les veines lentes, le cygne noir, le monstre aux dents cariées, les silences des soirs assassins.

6. Le sanglier sur le sentier escarpé s’est enfui, il n’y aura pas de décharges, sauf celles du désir.

7. Il n’y a personne au-devant de soi, seulement des coeurs pleins et des corps engourdis, il ne faut pas chercher, mes pieds tanguent le long d’un désert sans surface.

8. Les mots comblent ce qui croule mais ça s’écroule toujours, on cherche des cohérences dans chacune de nos vies, ça me met hors de moi, je suis en fragments. Je suis invendable. Le ciel me regarde et ses faussettes me suffisent – des petits cotons exprimant des bonheurs blancs.

9. On aime qui je suis alors que je ne suis, on n’aime pas ma peau, on ne la connaît pas, alors qu’elle glisse comme les nuages dans le ciel, sous les doigts.

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